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par Isabelle Maillet

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 Comment appréhendez-vous votre nouvelle fonction et vos nouvelles responsabilités ? Avec beaucoup de calme mêlé de beaucoup de surprise. J'éprouve deux sentiments mêlés : un sentiment de petitesse devant l'immense tâche qui m'attend, je vais être successeur des apôtres et en même temps, j'ai beaucoup d'enthousiasme.

Connaissez-vous le ministère de la Défense ? En tant que tel, non. C'est un ministère très complexe, qui comprend presque un quart de civils et toutes ces structures m'échappent. Je connais davantage l'armée que le ministère de la Défense et l'armée par son côté tactique et opérationnel que par les méandres complexes des états-majors. Je vais devoir établir un lien avec les autorités du Ministère de la défense.

Quels sont les axes pastoraux que vous souhaiteriez mettre en place, les thèmes que vous voudriez développer au cours de votre charge ? Je dois dans un premier temps apprendre ce ministère d'aumônier en milieu militaire et rencontrer les aumôniers, qu'ils soient prêtres, diacres, laïcs, et femmes et leur montrer ma fraternité. Un évêque n'est rien sans ses aumôniers. S'il s'isole, il peut devenir un saint mais pas un pasteur. Cette conviction me vient de la spécificité de ce diocèse, qui est différent des deux diocèses concordataires de l'Alsace-Lorraine. Nous sommes au cœur d'une laïcité ouverte et positive, puisque nous sommes Eglise reconnue comme culte catholique par le ministère de la Défense, intégrée dans sa structure et non pas sous la forme d'un concordat. J'ai la conviction que nous, aumôneries militaires - catholique, protestante, israélite, musulmane - avons à prouver à tous nos concitoyens qu'une laïcité ouverte, positive, avec un apport réciproque entre le monde civil et l'Eglise est possible. Nous avons à recevoir beaucoup de ceux que nous avons à porter vers le Seigneur. Les chefs militaires, qu'ils soient excellents ou médiocres, ont une densité humaine qu'on trouve plus rarement dans le civil. Réciproquement, nous Eglise, au cœur même d'une pâte humaine, avons à prendre ces hommes et ces femmes pour qu'au sein de ce métier très particulier, nous les aidions à concourir au bien suprême de l'Evangile qui est la paix. La chance de ce diocèse est d'être au service d'une armée, elle-même au service d'une nation démocratique. Elle n'a pas de finalité hégémonique, totalitaire ou arbitraire. Elle est là pour assurer la sécurité du territoire et la sécurité et la paix à l'international.

Sur quelles expériences marquantes allez-vous vous appuyer pour accomplir votre charge ? Deux expériences m'ont construit : l'expérience de Dieu faite lors de mon service militaire, au cours duquel j'ai vécu ma reconversion d'adulte et retrouvé la foi personnelle. Ce fut une rencontre de Dieu dans la prière. Que ce soit sur une montagne ou un champ de bataille, ce peut être une occasion profonde de rencontrer ou faire rencontrer Dieu. Cette mission épiscopale doit être un lieu de conversion pour moi. C'est aussi l'expérience de la rencontre de personnes. J'essaierai de la vivre au sein du diocèse des armées et de la partager avec d'autres.

Quel message spirituel souhaitez-vous faire passer aux militaires en ces temps de guerre en Afghanistan ? Ce message que l'aumônier de Coëtquidan avait dit pendant mon service militaire : 'Jésus n'a pas trouvé de plus belle foi en Israël que celle du centurion' (cf. Mt 8, 5-13). C'est l'occasion pour les personnes qui ont du mal à se situer vis-à-vis de l'armée ou de la police de se remettre en question en ne confondant pas l'Evangile avec une recherche de la paix béate et inconsciente.